Dans un communiqué percutant prononcé le 27 juin 2025 à Bruxelles, à l’occasion d’une soirée de soutien à l’hôpital de Panzi, le Dr Denis Mukwege a vivement dénoncé l’accord de « paix » signé le même jour à Washington entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, sous l’égide des États-Unis. L’accord, présenté comme une avancée diplomatique majeure, est perçu par le célèbre gynécologue et militant des droits humains comme une capitulation politique, sécuritaire et économique.
« Comment accepter de légitimer l’occupation d’un pays agresseur ? Comment sacrifier la justice sur l’autel d’une paix fragile ? Comment brader nos ressources au profit de ceux qui ont semé la mort chez nous ? », s’est interrogé Mukwege avec gravité.
Dans un discours long et structuré, le Prix Nobel de la paix 2018 a rappelé que la RDC n’avait jamais connu de véritable indépendance, dénonçant un nouveau colonialisme économique imposé sous couvert de coopération régionale.
Mukwege a fustigé la cogestion des ressources naturelles prévue dans le texte, affirmant qu’il s’agit d’un « pillage légalisé » au profit du Rwanda, impliqué depuis des années dans le conflit à l’Est du pays via ses alliés du M23. Pour lui, l’accord transforme les minerais congolais en produits rwandais, exportés avec valeur ajoutée, pendant que la RDC reste enfermée dans le cycle du sous-développement.
Plus grave encore, selon le réparateur des femmes, cet accord bafoue la Constitution congolaise, notamment ses articles 56, 57 et 214 qui protègent la souveraineté nationale et les ressources du pays. Il rappelle que tout accord qui priverait la Nation de ses moyens d’existence peut être assimilé à une trahison.
Mukwege regrette également l’approche bilatérale privilégiée par Washington, alors que la crise est éminemment régionale et géopolitique. Il plaide pour une conférence internationale de haut niveau, sous l’égide de l’Union européenne et des Nations unies, pour relancer les mécanismes de paix multilatéraux, en particulier l’Accord-cadre d’Addis-Abeba de 2013, aujourd’hui négligé.
Le message de Mukwege résonne comme un réquisitoire cinglant contre la diplomatie actuelle de Kinshasa, mais surtout comme un appel puissant à la défense de la souveraineté congolaise, en mémoire des millions de vies sacrifiées à l’Est du pays.
